Quand je franchis le golfe d’Antirion qui sépare le Péloponnèse de la Grèce continentale, je sais que les 10 jours qu’il me reste avant mon arrivée à Athènes ne ressembleront pas aux 85 précédents. J’ai mis dans mon programme Patras, Olympie, Mycènes, Epidaure… et donc Zeus, Hera, Agamemnon, Ménélas, Aphrodite,…. J’ai beau avoir croisé l’île des cyclopes, Charybde et Sylla ou aperçu au loin l’île d’Ithaque, je sens monter en moi l’excitation à l’idée de visiter ces lieux mythiques (au premier sens du terme) qui remplissent le programme de français en classe de sixième.
A Patras, pour ne pas déroger à la règle des jours précédents, il pleut. Ça tombe bien, j’ai très envie de visiter le musée archéologique pour m’immerger dans l’ambiance très différentes des grands espaces albanais et des parcs naturels calabrais. Et je ne suis pas déçu : des mosaïques fantastiques de plusieurs mètres carrés remplissent le musée. C’est magnifique de voir comment ces petits morceaux s’assemblent pour donner vie à un Polyphème géant ou à une Aphrodite de toute beauté. Je reste plus de deux heures, pratiquement seul dans le musée, devant ces chefs-d’œuvre.

La route qui mène à Olympie le lendemain me balade en pleine campagne sur près de 100 bornes au milieu des champs de pastèques ou des bottes de pailles fraîchement moissonnées. L’appli m’a choisi des chemins de terre de cailloux ou de sable plutôt que de l’asphalte, les paysages sont parfois époustouflants lorsqu’ils se perdent au milieu de nulle part, ce n’est pas toujours facile sur ces chemins vallonnés, il fait vraiment chaud aujourd’hui , alors quand j’arrive au camping, je suis très heureux de voir qu’il y a une piscine.
J’ai hâte de visiter le site archéologique et quand j’arrive à 8h pour l’ouverture, je suis heureux d’avoir d’abord le musée rien que pour moi et de pouvoir visiter le lieu avant l’arrivée des bus de touristes. C’est très émouvant de penser l’importance que pouvait avoir ce lieu et que le temple de Zeus abritait l’une de sept merveilles du monde, la statue du Zeus Chryséléphantine de Phidias (vous savez, celle qu’on voit sur la carte Olympie de Seven Wonders). Hera a son temple aussi (plus petit, faut pas déconner non plus !). Et bien sûr le stade ! Et avoir LE stade olympique rien que pour soi, c’est quelque chose ! Je profite de ce moment avec délectation avant de poursuivre la visite en continuant de m’extasier face à la taille de ces morceaux de colonnes géantes.
Lorsque les premiers touristes finissent par arriver, je retourne au camping pour profiter de cet après-midi de repos et réparer ma première crevaison du voyage : mon matelas pneumatique !

La journée sans vélo me fait du bien avant d’attaquer les deux grosses journées à pédaler qui m’attendent. J’ai fait l’impasse sur Sparte afin d’être à temps pour mon rendez-vous à Athènes, je vais donc rejoindre la côte est du Péloponnèse en ligne droite. En ligne droite sur la carte ! Parce que la route n’est pas droite du tout ! Elle n’arrête pas de tourner, et si elle tourne, c’est parce qu’elle grimpe. La vache ! Mais le paysage est sublime. Je dois faire la course avec l’orage qui m’empêche (un peu) de me poser en chemin, ainsi qu’avec un chien qui a décidé de m’adopter et ne me lâche pas pendant au moins 10km. Un chien sympa, mais non merci, chacun sa vie. En plus, ça y est, c’est définitif, je déteste les chiens. Je ne les aimais pas beaucoup avant de partir, mais là, je n’en peux plus de me faire agresser par les dizaines de chiens errants qui traînent au bord des villes. Souvent ils sont tellement faibles qu’ils n’ont même pas la force de réagir quand je passe, mais dès qu’ils sont 3 ou 4 , ils sont agressifs et me terrifient. En plus, ils gueulent toute la nuit et ça me tape sur le système. Sans parler de tous ceux, hystériques, qui me gueulent dessus à travers les grillages ou attachés à leurs chaînes. Bref, je les hais.
La route me réserve encore des surprises comme cette visite de grotte souterraine et ses stalactites avec des petites dents unique en Europe et je me réjouis de retrouver la mer après 4 jours sans, même si sous l’orage, ça a moins de charme. Mais au moins, la température était idéale pendant ces 300km.

Vendredi j’arrive à sécher la tente avant de partir pour Mycènes. La ville d’Agamemnon, mais surtout celle de la civilisation qui a régné sur la Grèce il y a 3500 ans.
En route, je tombe sur un panneau indiquant un site archéologique à Lerna. Une maison préhistorique unique, avec un étage, des tuiles, des sépultures…. Je me rends compte alors que je suis dans le ville de l’Hydre (de Lerne) qu’Hercule a dû terrasser, que c’est dans le lac où elle vivait qu’Hades et Persephone sont descendus aux enfers. C’est très émouvant de penser à toutes ces histoires qui m’impressionnaient quand j’étais gamins (des histoires de viols pour la plupart, mais ça, je le comprendrai plus tard !).
La balade se poursuit en traversant Argos et son théâtre construit à flanc de colline (il pouvait contenir 20 000 places assises !) et son château mauresque, jusqu’au petit village de Mycènes. Impossible d’imaginer que ce bled d’à peine un millier d’habitants ait pu être le centre du monde un jour. Par contre, il suffit de se rendre au pied de l’ancienne forteresse pour s’en faire une idée. La légende raconte que c’est Persée qui a construit cette cité avec l’aide des cyclopes, et quand on voit la taille de certaines pierres, cela ne fait aucun doute qu’il ait fallu des êtres surnaturels pour réussir un tel prodige. Le site est incroyable. La vue est superbe. Le vent donne envie d’ouvrir les bras et de se laisser porter au-dessus de cette cité dont on imagine très bien l’organisation il y a 4500 ans. Encore un moment préféré de ce voyage !

Je ne suis pas au bout de mes surprises lorsque j’arrive à Epidaure le lendemain. Certes la traversée de Nauplie et sa magnifique forteresse (blindée de touristes et que je ne visiterai donc pas) ou les ponts mycéniens (ils sont forts ces cyclopes !) sont impressionnants, mais lorsque l’ancien théâtre d’Epidaure apparaît face à moi : Whhhahhhhouhhhh ! La beauté de cet édifice est à couper le souffle ! C’est tellement beau ! Spectaculaire ! Le théâtre est posé contre la colline, taillé à même la pierre. L’acoustique est incroyable. Et quand on s’assoit dans les gradins, la vue du paysage qui s’ajoute à la beauté de l’endroit en font un spectacle à lui tout seul. Une merveille ! Les ruines des temples dédiés au Dieu Asklepios (dieu de la médecine, à Hygée (la Santé) , sans oublier Hera et Appolon, s’inscrivent dans un complexe bien plus large qui accueillait les malades et les pèlerins dans des termes ou des maisons de santé. Impressionnant !

Après ces visites, il me reste quatre jours avant de prendre un ferry pour Athènes (j’ai pédalé comme un foufou !). Enfin, prendre le ferry peut-être… Si je ne me suis pas trompé de jour, de mois, de destination, de sens de parcours…. Je dois donc être à Methana mercredi à 14h20. Je pourrais aller à Corinthe, mais il ne faudrait pas trainer, donc non. Methana d’où je prendrai le bateau est situé sur une presqu’île volcanique. Je réserve donc deux jours pour traîner là-bas. Je décide donc de me balader dans le sud du doigt le plus à l’est dû Péloponèse pour les deux jours de rab dont je dispose. C’est accidenté mais très joli. Il fait un peu chaud mais ça va. Ça me permet aussi de me tailler un steak dans le mollet avec les dents de mon plateau avant (pas cool !) et de perdre (enfin !) mes lunettes ! Pas cool non plus ! Mais ça m’a permis de rencontrer un vieux monsieur qui m’a proposé de l’alcool à 90 degrés pour désinfecter la plaie et des biscuits et des oranges pour me consoler, de discuter avec la pharmacienne de l’état de mon mollet, de faire un brin de causette avec le chauffeur de taxi qui m’a emmené pour que je tente de retrouver mes lunettes entre le port et la pharmacie (sans succès…). J’aurais bien aimé rencontrer la personne qui est tombée sur mes lunettes en se promenant, mais non…
Mais pendant ces deux jours, j’ai pu aussi faire une descente dans un petit canyon et son pont de pierre naturel, dormir près d’une lagune et ses échassiers , atteindre le point le plus éloigné de Poissy du voyage (2149km à vol d’oiseau d’après Polarstep) et me dire alors qu’à partir de maintenant, je suis sur le chemin du retour. Deux jours très chouette finalement.

Je profite de dormir deux nuits au même endroit dans une chambre pour mettre mon réveil a 5h ce mardi matin pour un lever de soleil en haut du volcan de la presqu’île . Lorsque je me mets en route il fait nuit, mais l’aube n’est pas loin. Pour le lever du soleil , c’est raté, je suis sur le versant ouest des sommets. Mais la lumière est belle et l’air est doux. Une heure de vélo pour gravir les 700m d’altitude, une petite marche de 30 minutes le long de la coulée de lave et là encore : wahouhhhh. J’entre à l’interieur du cratère. Les blocs de granit de la chambre magmatique sont impressionnants. Tout autour de moi des blocs de lave refroidie aux couleurs ocres et grises. C’est fantastique ! J’escalade les blocs de pierres pour atteindre le rocher qui domine le site et m’offre le petit déjeuner le plus incroyable du voyage. La vue est splendide, les couleurs de la mer, des arbres, des pierres sous le soleil levant sont magnifiques, le silence , le souffle léger du vent, les oiseaux,… c’est un moment magique !
Je ne résiste pas à l’envie d’escalader un peu partout. Il y a même une cavité DANS le couloir de lave. J’ai le sourire d’un enfant devant un sapin de Noël. Quand après deux heures arrivent deux autres personnes, je reprends mon vélo pour échapper à cette foule (quand on a profité de ce lieu seul, je vous assure que deux autres personnes c’est presque une foule !).
Je finis l’ascension de l’ile puis en fait le tour par la côte en prenant le temps de me poser puis de me baigner et de faire une sieste au bord de cette eau bleue transparente, le tout sous un ciel sans nuage et une chaleur de plomb.

Je finis ce chapitre du Péloponnèse apothéose ! Ces 10 jours étaient fantastiques. J’ai l’impression que chaque chapitre est un peu mieux que le précédent. Que ce que je vis s’incruste profondément en moi. Je me régale de chaque jour !
Demain c’est Athènes. On ouvre un nouveau chapitre encore.
Je vous embrasse.
Tu vas rentrer transformé par cette expérience, qui est d’une richesse inouïe !