Aujourd’hui c’est mon dernier jour en Albanie. C’est déjà l’heure de refermer ce sixième chapitre. Et quel chapitre !
Quand je monte sur mon vélo mardi, j’avoue ne pas être serein. Mettre des boules Quies en pleine nuit pour ne plus entendre la circulation sur la route que tu prends le lendemain, ça ne présuppose pas d’une journée de rêve pour cycliste.
Finalement, ce n’était pas si pire. Beaucoup de circulation mais énormément de travaux pour la transformation de cette route en autoroute. Donc une circulation ralentie, des passages où je peux prendre la voie en construction rien que pour moi tout seul, et un paysage très joli le long de la rivière en fond de vallée. Par contre, un nombre incroyable de tractopelles pour creuser la montagne, dévier le cours de la rivière, casser des gros cailloux pour en faire des petits. Ça fait quand même un peu peur…. Je termine la journée par une montée de malade sous des trombes d’eau. Une journée de vélo sans grand intérêt donc, si ce n’est l’arrivée au bord du lac d’Ohrid. Le plus grand lac naturel d’Europe. Et vraiment, il est grand !
Je m’installe au camping au bord de l’eau, le gérant me propose de planter ma tente sous la parasol du coin enfant pour me protéger de la pluie qui arrive encore. Me voilà donc coincé entre le bac à sable et le toboggan, mais au sec et surtout content qu’il n’y ait pas d’enfants !
Le lendemain matin je me réveille au son des grenouilles qui squattent les roselières et me mets en route de bonne heure. Destination, l’autre rive du lac en passant par la ville d’Ohrid.
Je n’avais pas réalisé hier que j’allais changer de pays en remontant le dernier col franchi avant d’arriver. Me voilà donc en Macedoine du Nord sur cette rive du lac. Un petit passage par le poste frontière donc et une petite pause bucolique macédonienne.
La ville d’Ohrid possède un théâtre antique, une basilique (enfin ce qu’il en reste) datant du début de l’ère chrétienne, des basiliques aux peintures intérieures impressionnantes et des mosaïques célèbres, avec bien sûr un château pour couronner le tout. Un plaisir immense donc dans cette jolie petite ville.

J’y reste finalement deux heures de plus. Pas que la nouvelle ville soit un enchantement, mais disons qu’elle a le grand avantage de posséder un réparateur vélo qui va pouvoir me remplacer mon dérailleur avant qui vient de plier.
Je passe donc deux heures dans la boutique de Gilbert et Tania qui, entre deux cigarettes et trois rakis, me changent mon dérailleur et mes plaquettes de frein en papotant avec moi en anglais.
Je peux donc reprendre ma route avec des freins tous neufs et un dérailleur qui déraille comme il faut. Quelques kilomètres pour un spot de bivouac au bord de l’eau. Tout est en ordre !

Mercredi je me réveille en même temps que le soleil. 5h30 ! Petite baignade matinale, pliage de tente ritualisé et hop sur le vélo à 7h30. Il faut dire que la journée risque d’être difficile. Objectif : passer le col qui domine le lac à 1600m d’altitude pour rejoindre le lac voisin de l’autre côté de la montagne.
La montée est vraiment chouette. 20km à 5% (oui oui, ça fait bien 1000m de D+) à pente constante. Et comme je suis dans une réserve naturelle, il n’y a pas de voitures. Le pied ! Je prends soin tout de même de faire traverser la route aux scarabées géants du coin et à une tortue qui s’est semble-t-il égarée. Les lynx et les ours annoncés en bas restent timides, et ça m’arrange.
Le passage du col est incroyable. Il y a de la neige sur les sommets, de la nature à perte de vue, des sentiers qui partent dans toutes les directions, et un aigle qui tournoie au-dessus de moi. C’est magique.
La descente est chouette aussi. Et la découverte du lac suivant un régal. Il est encore plus sauvage que le précédent. Le temps est menaçant, j’ai la flemme de camper sous l’eau. Je décide donc de juste traverser cette autre réserve naturelle et de rejoindre Korçe à une trentaine de kilomètres de là pour passer la nuit au sec dans un Airbnb. Et je fais bien, à peine arrivé, il tombe des seaux.

Il me faut trouver une motivation pour prendre la route le lendemain sous cette pluie. Ça tombe bien, je viens de recevoir un message de David et Juliette (vous vous souvenez ? Les petits suisses rencontrés en Calabre !), ils se dirigent vers le nord et nous pourrions nous croiser. Trop bien ! J’enfile donc mes habits de pluie et me mets en route pour un rendez-vous près de sources d’eau chaude dans deux jours.
Pour oublier la pluie je mets un podcast dans mes oreilles et hop c’est parti pour 60km en descente. Enfin presque …. La fin de la route se remet à grimper à travers la forêt. C’est incroyable cette verdure sous les chênes et les pins. Et quand on voit ce qui tombe comme flotte depuis deux jours, on comprends que ce soit vert. Ce sera donc une nuit à l’hôtel (25€ pour la nuit, le repas du soir et un méga petit dej, il n’y a pas de raison de s’en priver ! Et c’est très classe d’avoir tout un hôtel pour moi tout seul !)
Quand je reprends la route samedi, la pluie s’est arrêtée et les montées aussi. 65 km de descente m’attendent ( avec quelques coups de cul s
quand même, juste pour garder le rythme). En trois heures c’est plié ! Un record ! Et je suis ravi de retrouver mes deux suisses (eux aussi ont l’ait contents de me revoir, c’est une bonne nouvelle !)
On s’installe dans un camping qui ressemble à un lieu de bivouac avec électricité et eau chaude, mais il est très mignon au bord de cette rivière dont l’eau est franchement tiède. Nous voilà vite partis pour découvrir ces fameuses sources d’eau chaude 3km en amont.
En arrivant, nous sommes un peu déçus. Après les travaux du futur complexe touristique, nous arrivons à une énorme piscine en pierres construite dans le lit de la rivière où trempent une trentaine de touristes. Ah….
Nous décidons donc de remonter le lit de la rivière qui sort d’une sorte de canyon. On verra bien. Et là, c’est juste fantastique. De l’eau chaude qui sort d’un peu partout de la roche en laissant quelques traces blanches sur les galets (et une forte odeur d’œuf pourri dans l’air à cause du souffre qu’elle contient), des petites baignoires aménagées avec des pierres, rien que pour nous, des parois rocheuses qui s’élévent sur des dizaines de mètres en se rapprochant pour ne laisser passer qu’un peu de lumière, de la verdure accrochées on ne sait pas trop comment, des oiseaux,… Un moment inoubliable !

Après une soirée monstre sympa avec Juliette et David (et un agneau qui traînait sous les tables du restaurant), nous reprenons la route chacun de notre côté dimanche. Moi vers la mer, eux sur la route que je viens de prendre, mais dans l’autre sens. Ça va descendre pour moi et pire monter pour eux.
Sur la route, je rencontre un ado qui m’emmene dans le resto d’un ami de la famille. Et un gars me conseille une autre route que celle que j’ai choisie. Il m’explique que ça va être plus difficile mais bien plus beau, et que je peux être là mer ce soir. En regardant bien, il faudrait que je fasse encore 110km avec 2000m de D+. D’accord, mais en deux fois !
Je m’arrête donc au pied de la grosse montée (12km à 8%) pour un bivouac dans un champ de fleurs au bord de l’eau et au milieu des moutons de passage. Un plaisir de dingue !
Regonflé à bloc après cette pause délicieuse, je m’attaque à la pente. Deux heures et demi pour faire 12km, on a fait mieux comme moyenne, mais ça laisse le temps de s’emerveiller sur le paysage. Et en haut, en plus d’un restaurant qui m’attend, je tombe sur des cascades splendides. Un spectacle incroyable d’une eau limpide (et glacée) qui tombe sur plusieurs dizaines de mètres. Magique !
Il reste encore quelques centaines de mètres de dénivelé positif avant de trouver la descente qui me mènera jusqu’ à la mer. Je profite encore et encore de ces paysages merveilleux avant de descendre tête baissée sur une vingtaine de kilomètres.
J’avais visé une presqu’île en forme de cœur pour passer la nuit. Je ne suis pas déçu du bivouac : plage privée déserte au bord d’une mer translucide. Parfait !
Ce matin je rédige cette newsletter en me chauffant au soleil après ma baignade matinale. Tout va bien !
Je vous embrasse.

Magnifique instant passé à te lire. C’est comme si j’étais avec toi (sans les cuisses qui chauffent !). C’est trop bien. MERCI Luc pour ce bon moment de voyage.
Comme ça donne envie de te rejoindre pour ploufer 😉 Bises